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ACCOMODEMENTS RAISONNABLES ET LIBERTÉ RELIGIEUSE AU QUÉBEC.
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ACCOMMODEMENTS RAISONNABLES ET LIBERTÉ RELIGIEUSEAU QUÉBEC
Cardinal Marc Ouellet, archevêque de Québec et Primat du Canada
Le débat sur les accommodements raisonnables et ses répercussions émotionnelles ont forcé la société québécoise à un exercice d’écoute, de réflexion et de dialogue au sujet de la place de la religion dans l’espace public. Il est heureux qu’un large forum présidé par deux personnalités reconnues nous permette de mener sereinement cette réflexion et ce dialogue sur le malaise actuel, sur ses causes, ses enjeux et ses voies de solution.
La société québécoise se trouve présentement devant un choix qui exige des individus et des instances institutionnelles de l’État, des Églises et des différents groupes religieux un examen sérieux de la situation et un dialogue vrai et sincère afin de décider sagement de la voie à suivre pour vivre ensemble harmonieusement dans les prochaines décennies.
OSER UN DIAGNOSTIC EN PROFONDEUR
D’entrée de jeu, je déclare ma conviction que la crise des valeurs et la quête de sens au Québec sont si profondes et urgentes qu’elles ont des répercussions graves sur la santé publique, ce qui engendre des coûts énormes pour le système de santé.
La société québécoise repose depuis 400 ans sur deux piliers : la culture française et la religion catholique, qui forment l’armature de base ayant permis d’intégrer d’autres composantes de son identité pluraliste actuelle.
Elle est cependant fragilisée par l’affaiblissement de l’identité religieuse de sa majorité francophone.
Le débat actuel touche directement la religion et les relations entre communautés culturelles, mais le vrai problème n’est pas celui de l’intégration des immigrants qui serait rendue plus difficile à cause de leurs demandes religieuses d’accommodement.
Les statistiques révèlent que les demandes l’accommodements pour motifs religieux sont minimes, ce qui indique que la raison des tensions actuelles est ailleurs. Qu’on ne fasse donc pas porter la responsabilité d’une crise profonde de la société québécoise à ceux et celles qui sont venus y chercher un refuge ou une terre d’accueil ou à leur religion qu’on juge envahissante.
Les réfugiés et les immigrants nous apportent souvent la richesse de leur témoignage et de leurs valeurs culturelles qui s’ajoute aux valeurs communes de la société québécoise.
L’accueil, le partage et la solidarité doivent donc demeurer des attitudes de base à l’égard des immigrants et de leurs besoins humains et religieux.
Le vrai problème n’est pas non plus celui de « la place de la religion dans l’espace public », pour reprendre cette expression, vague à souhait, qui facilite la diffusion du slogan à la mode : « la religion dans le privé ou à l’église mais pas sur la place publique ».
Qu’est-ce que l’espace public ?
La rue, le parc, les ondes de diffusion, l’école, l’hôtel de ville, l’Assemblée nationale ? Faut-il faire disparaître de la place publique le monument dédié à Mgr François de Laval et celui dédié au cardinal Taschereau ?
Faut-il bannir le souhait « Joyeux Noël » de l’enceinte parlementaire et le remplacer par « Joyeuses Fêtes » pour être plus inclusif ?
Les symboles religieux caractéristiques de notre histoire et donc constitutifs de notre identité collective sont-ils devenus des nuisances et des mauvais souvenirs à remiser au placard ?
Faut-il les éliminer de l’espace public pour satisfaire une minorité laïciste radicale qui est seule à s’en plaindre au nom de l’égalité absolue des citoyens et citoyennes ?
Les croyants et les incroyants emportent avec eux leur croyance ou leur incroyance dans tous les espaces qu’ils fréquentent. Ils sont appelés à vivre ensemble, à s’accepter et se respecter mutuellement, à ne pas imposer leur croyance ou leur incroyance, ni en privé ni en public. Enlever tout signe religieux d’une place publique culturellement identifiée selon une tradition bien définie avec sa dimension religieuse, n’équivaut-il pas à promouvoir l’incroyance comme l’unique valeur ayant droit de s’afficher ?
La présence du crucifix à l’Assemblée nationale, à l’Hôtel de Ville et à la croisée des chemins n’est pas le signe d’une quelconque religion d’État.
C’est un signe identitaire et culturel lié à l’histoire concrète d’une
population réelle qui a droit à la continuité de ses institutions et de ses symboles.
Ce symbole n’est pas d’abord un signe confessionnel mais le témoin de l’héritage culturel de toute une société marquée par sa vocation historique de berceau de l’évangélisation en Amérique du Nord. L’enlever signifierait une rupture culturelle, un déni de ce que nous avons été et de ce que nous sommes appelés à être comme collectivité fondée historiquement sur les valeurs du christianisme.
LE VRAI PROBLÈME DE FOND
Le vrai problème du Québec n’est donc pas la présence de signes religieux ou l’apparition de nouveaux signes religieux envahissants dans l’espace public.
Le vrai problème québécois est le vide spirituel créé par une rupture religieuse et culturelle, une perte substantielle de mémoire, entraînant une crise de la famille et de l’éducation, qui laisse les citoyens et citoyennes désorientés, démotivés, sujets à l’instabilité et rivés à des valeurs passagères et superficielles. Ce vide spirituel et symbolique mine de l’intérieur la culture québécoise, disperse ses énergies vitales et engendre l’insécurité, faute d’enracinement et de continuité avec les valeurs évangéliques et sacramentelles qui l’ont nourrie depuis ses origines.
Un peuple dont l’identité a été fortement configurée pendant des siècles par la foi catholique ne peut pas du jour au lendemain (quelques décennies sont brèves dans le vie d’un peuple) se vider de sa substance sans qu’il en résulte des conséquences graves à tous les niveaux.
D’où le désarroi de la jeunesse, la chute vertigineuse des mariages, le taux infime de natalité et le nombre effarant d’avortements et de suicides pour ne nommer que quelques unes de ces conséquences qui s’ajoutent aux conditions précaires des aînés et de la santé publique.
Et pour comble, ce vide spirituel et culturel est entretenu par une rhétorique anticatholique farcie de clichés qui se retrouve malheureusement trop souvent dans les médias. Ce qui favorise une véritable culture du mépris et de la honte à l’égard de notre héritage religieux, qui détruit l’âme québécoise.
Il est grand temps de se demander : Québec, qu’as-tu fait de ton baptême ?
Il est grand temps qu’on freine l’intégrisme laïciste, imposé à même les fonds publics, et qu’on retrouve un meilleur équilibre au Québec entre la tradition et l’innovation créatrice au service du bien commun.
On doit réapprendre le respect de la religion qui a façonné l’identité de la population et le respect de toutes les religions sans céder à la pression des intégristes laïcs qui réclament l’exclusion de la religion de l’espace public.
Le Québec est mûr pour une nouvelle évangélisation en profondeur qui se dessine en certains milieux par des initiatives catéchétiques importantes, de même que par des efforts communautaires de retour aux sources de notre histoire. Notre société a besoin d’un mouvement de conversion à ses valeurs spirituelles profondes et d’une nouvelle alliance entre sa foi devenue dormante ou passive et la culture commune en émergence qui cherche ses racines. Un renouveau spirituel et culturel est possible si le dialogue entre l’État, la Société et l’Église reprend son cours, constructif et respectueux de notre identité collective désormais pluraliste.
LA LIBERTÉ RELIGIEUSE MENACÉE
Dans le cadre du débat sur les accommodements raisonnables, on ne peut ignorer le changement radical que l’État québécois vient d’introduire concernant la place de la religion à l’école.
Ce changement provoque le désarroi et la colère de beaucoup de parents qui se voient privés de leurs droits acquis au nom d’une ultime réforme et modernisation du système scolaire québécois. Sans tenir compte de la primauté du droit des parents et de leur volonté clairement exprimée de maintenir la liberté de choix entre un enseignement confessionnel et un enseignement moral, l’État supprime tout enseignement confessionnel et impose un cours d’éthique et de culture religieuse dans les écoles tant publiques que privées et ce, sans possibilité d’exemption.
Aucune nation européenne n’a jamais adopté une orientation aussi radicale qui bouleverse les convictions et la liberté religieuse des citoyens.
D’où le malaise profond de beaucoup de familles, doublé d’un sentiment d’impuissance face à un État tout-puissant qui ne craint plus, semble-t-il, l’influence de l’Église et qui peut donc imposer sa loi sans contrainte majeure. Le plus scandaleux est le sort réservé aux écoles privées catholiques qui se voient contraintes par le jeu des subventions gouvernementales, de marginaliser leur propre enseignement confessionnel au profit du cours d’État imposé partout et à tous les niveaux.
L’opération de recadrage de la formation éthique et religieuse du citoyen au moyen de ce cours obligatoire va-t-il réussir à sauver un minimum de points de repère pour assurer un vivre ensemble harmonieux ? J’en doute et je suis même convaincu du contraire, car cette opération se fait au dépens de la liberté religieuse du citoyen, surtout celle de la majorité catholique. De plus elle est fondée exclusivement sur une « connaissance » des croyances et des rites de six ou sept religions. Je doute que des enseignants fort peu préparés à relever ce défi puissent enseigner en toute neutralité et de façon critique des notions qu’ils comprendront encore moins que leur propre religion. Il faut beaucoup de naïveté pour croire à ce miracle d’enseignement culturel des religions qui va fabriquer un nouveau petit québécois pluraliste expert en relations interreligieuses et critique envers tout credo même celui de ses propres parents. Le moins qu’on puisse dire est que la soif de valeurs spirituelles sera loin d’être assouvie et qu’une dictature du relativisme risque de rendre encore plus difficile la transmission de notre héritage religieux.
CONCLUSION
La culture rurale québécoise expose une croix un peu partout à la croisée des chemins. Cette « croix de chemin » invite à prier et à réfléchir sur le sens de la vie.
Quel choix s’impose actuellement à notre société pour que l’État prenne des décisions éclairées et vraiment respectueuses de la conscience religieuse des individus, des groupes et des Églises ? Malgré certaines déviances dues à des poussées récurrentes mais limitées de fanatisme, la religion demeure une source d’inspiration et une force de paix dans le monde et dans notre société, pourvu qu’elle ne soit pas manipulée par des intérêts politiques ou brimées dans ses aspirations légitimes.
La réforme qu’impose la loi 95 soumet les religions au contrôle et aux intérêts de l’État, tout en mettant fin aux libertés religieuses acquises depuis des générations.
Cette loi ne sert pas le bien commun et ne pourra pas être imposée sans être ressentie comme une violation de la liberté religieuse des citoyens et des citoyennes. Il ne serait pas raisonnable de la maintenir telle qu’elle est stipulée, car elle instaurerait ce juridisme laïciste étroit qui exclut la religion de l’espace public.
Les deux piliers de notre identité culturelle nationale, la langue et la religion, sont appelés historiquement et sociologiquement à s’épauler ou à crouler ensemble. Le moment n’est-il pas venu d’une nouvelle alliance de la foi catholique et de la culture émergente pour redonner à la société québécoise plus de sécurité et de confiance en l’avenir ?
Le Québec vit toujours de l’héritage d’une tradition religieuse forte et positive, exempte de conflits majeurs et caractérisée par le partage, l’accueil de l’étranger et la compassion envers les plus démunis. Il faut protéger et cultiver cet héritage religieux fondé sur l’amour qui est une force d’intégration sociale beaucoup plus efficace qu’une connaissance abstraite de quelques notions superficielles de six ou sept religions. Il importe surtout à l’heure actuelle que la majorité catholique se réveille, qu’elle reconnaisse ses vrais besoins spirituels et qu’elle renoue avec ses pratiques traditionnelles afin d’être à la hauteur de la mission qui lui incombe depuis ses origines. Que la sagesse de Dieu inspire les recommandations des Commissaires afin que la liberté religieuse comme valeur primordiale et permanente fleurisse au Québec et lui redonne ses raisons de vivre.
http://www.ecdq.tv/
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- Brigitte Breton a écrit:
leSoleil Jeudi 22 août 2013
ÉDITORIAL
DES SIGNES INCOMMODANTS
BRIGITTE BRETON
bbreton @ lesoleil.com
Québécois de toutes religions, athées et agnostiques auraient avantage à formuler non pas tous la même prière, mais le même vœu. Celui que les politiciens résistent à la tentation de se faire du capital politique en bannissant tous les signes religieux de la fonction publique, des écoles, des centres de la petite enfance et des hôpitaux, et qu’ils évitent ainsi de plonger à nouveau le Québec dans un débat empreint d’intolérance et de xénophobie qui mènera à des divisions inutiles et d’interminables et coûteuses contestations juridiques.
LE GOUVERNEMENT MAROIS DOIT ÉVITER DE RELANCER DE VAINES DIVISIONS RELIGIEUSES.
Espérons qu’il s’agit bel et bien d’un ballon d’essai et que la fameuse Charte des valeurs québécoises que doit présenter en septembre le gouvernement péquiste ne sera pas aussi radicale que la version révélée mardi dans le ‘Journal de Québec’. Souhaitons que Pauline Marois et son ministre Bernard Drainville concluront qu’il vaut mieux faire preuve de sagesse et de pédagogie que d’exploiter l’ignorance et la peur des gens pour gagner des votes.
Que l’État québécois soit laïc, nous en sommes. L’égalité entre les hommes et les femmes est pour nous également non négociable. Mais pour qu’il soit bien clair qu’un État soit neutre, qu’il ne privilégie aucune religion par rapport à une autre et qu’aucune d’entre elles ne dicte ses actions, il n’est pas nécessaire d’imposer à tous les employés des services publics de cacher tout signe de convictions religieuses. L’exigence est d’autant plus aberrante, voire irréaliste, que nous vivions dans un pays et une province où une charte prévoit la liberté de conscience et de religion des individus.
Le philosophe Charles Taylor, coprésident de la commission Bouchard-Taylor, s’est attiré les railleries de certains en faisant un rapprochement entre les intentions du gouvernement Marois et la décision de Poutine, en Russie, d’interdire les activités de fierté gaie et la propagande de relations sexuelles non traditionnelles. La comparaison n’est pourtant pas farfelue. Il s’agit dans les deux cas de droits, de libertés, de discrimination, d’exclusion.
Lorsqu’il est question de liberté de conscience et de religion, certains sont prompts à ranger la Charte des droits et libertés. Ils se défendent bien de faire de la discrimination ou d’imposer leurs valeurs, disant plutôt prôner la neutralité de l’État et protéger l’identité et le patrimoine du Québec.
Ainsi, selon eux, il ne serait pas discriminatoire de refuser un poste à l’école, à la garderie ou au ministère à une femme qui porte le voile ou à un homme coiffé d’un turban. Par contre, ces mêmes personnes s’insurgeraient probablement si les emplois du secteur public étaient refusés aux homosexuels ou aux handicapés qui afficheraient trop « leurs différences ». Bref, elles pigent dans la Charte des droits et libertés comme dans un buffet. Cela n’a pas de sens et ne peut mener qu’à d’inutiles confrontations.
Pourquoi embarquer dans cette galère? Quel est donc le problème que Québec veut résoudre en écartant des personnes de certains emplois non pas parce qu’elles portent une burqa ou un niqab qui empêchent de voir leur visage, mais bien parce qu’elles portent un foulard, une kippa ou une croix? En quoi l’identité québécoise sera-t-elle plus forte et l’État plus neutre après ce triage?
Après des mois de consultation et d’études, la commission Bouchard-Taylor a conclu en 2008 que « la crise » autour des accommodements raisonnables en était une de perceptions et d’emballement médiatique. Elle a suggéré des balises et des pistes pour dissiper les zones grises afin de faciliter l’intégration et la cohésion. Le gouvernement Marois aidera davantage le Québec s’il s’applique à mettre en œuvre les recommandations plutôt que de suivre les traces de la défunteAction démocratique du Québec, de Mario Dumont, en tentant de faire du millage en divisant.
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