-
LE BOUDHISME EST-IL UNE RELIGION?
http://cafenetphilosophie.centerblog.net/171-le-boudhisme-est-il-une-religion-reedition-
LE BOUDDHISME EST-IL UNE RELIGION?Comme nous l'avons indiqué lors de notre précédent billet, il est difficile de se prononcer sur la nature exacte des spiritualités qui se sont développées en extrême-orient, que ce soit le bouddhisme ou de manière plus spécifique le taoïsme et le confucianisme en Chine ou encore le shintoïsme au Japon. Cela vient sans doute du fait qu'en Occident, nous avons tendance à identifier le phénomène religieux avec le monothéisme et à opérer, comme nous l'avons vu, une distinction nette entre religions ainsi conçues et la philosophie, toutes choses profondément étrangères aux civilisations d'extrême-orient.Il convient donc de faire un effort intellectuel afin de nous détacher des caractéristiques culturelles qui ont structuré l'Occident et ce, en vue de mieux saisir l'esprit propre à ces cultures éloignées de la nôtre. En effet, si le statut religieux du bouddhisme est parfois mis en doute, c'est dans la mesure où celui-ci ne fait pas état d'un Dieu suprême et personnel auquel le fidèle pourrait s'adresser et qui serait le support d'une Providence, c'est-à-dire d'une intervention bienfaitrice pour les fidèles qui le prient. De ce fait, le bouddhisme est parfois présenté comme une simple sagesse permettant de renoncer à certaines illusions source de souffrances inutiles, en particulier l'attachement à notre personne, à un "moi" incarnant une réalité identifiable et permanente et qui par là même aspire sans cesse à satisfaire des désirs toujours renouvelés et jamais entièrement satisfaits. La voie proposée par le Bouddha consisterait à se libérer, comme lui-même prétend y être parvenu, de ce cycle infernal et illusoire des désirs sans cesse renaissants.Cependant, une telle réduction du bouddhisme à une simple sagesse fait question. On trouve en effet dans le message de Gautama des éléments qui s'apparentent au phénomène religieux. En effet, Gautama, dit Bouddha ou "l' éveillé", reprend à son compte la croyance au cycle des réincarnations, à la possibilité d'y échapper en atteignant cet absolu désigné par le terme de "nirvâna". Nous retrouvons là l'idée de "salut" par rapport au mal ainsi que l'existence d'un "lieu" ou d'unmonde où toute souffrance se voit éradiquée. Certes, impossible de décrire en quoi consiste ce "nirvâna". Nous ne pouvons en dire que ce qu'il n'est pas. Mais après tout, n'est-ce pas là un point commun à la plupart des religions, pour ne pas dire à toutes les religions, de poser l'absolu comme inaccessible à la compréhension et à la représentation humaines et à en faire l'objet de ce qu'on appelle la théologie négative, c'est-à-dire un discours sur l'absolu qui dit ce qu'il n'est pas, dans l'incapacité d'énoncer ce qu'il est?Cette impossibilité d'accéder à la notion d'absolu ou de "nirvâna" permet de mieux comprendre ce qui pourrait apparaître en première analyse comme étant des contradictions du message bouddhiste. En effet, comme nous venons de le rappeler, l'abolu bouddhiste n'a aucun rapport avec un Dieu personnel. Penser l'absolu de cette manière reviendrait sans doute, aux yeux du Bouddha, à se le représenter à l'image de la personne humaine, qui, elle-même, est une illusion. L'absolu est donc infiniment étranger aux catégories de la pensée humaine et en particulier à celles qui conduisent à des illusions sur notre propre réalité.Que deviennent alors les êtres qui accèdent au "nirvâna" et qui échappent à la roue des existences? Là encore, il est impossible de se le représenter. Ce qui semble établi, c'est que ces êtres ne peuvent voir subsister un "moi" qui n'existe pas. En ce sens, il semble hors de propos de s'adresser, dans le cadre de prières, à des êtres ou des identités qui n'existent pas de manière permanente et identifiable. Tout être ou ce que nous appelons tel appartient à un devenir incessant où il n'y a rien de permanent. Mais dans le même temps, le bouddhisme, notamment tibétain, évoque ces êtres d'éveil qui, ayant atteint le "nirvâna", choisissent de se réincarner afin d'aider les autres à accéder à leur délivrance. Ce sont les "bodhisattva" dont les quatorze Dalaï-Lama sont les exemples les plus éloquents.Dès lors, force est de constater que la notion même de réincarnation suggère que cette impermanence des êtres n'est pas absolue et qu'il est possible de repérer au sein de celle-ci une dimension de permanence relative permettant de lui attribuer un nom, voire un devenir propre et identifiable. Bref, il n'y a pas que l'absolu qui échappe à nos capacités de compréhension car il en va de même concernant la réalité qui nous est familière et au sein de laquelle nous nous mouvons.Cette difficulté à saisir l'exacte conception de ce type de pensée vient du fait que celle-ci échappe aux catégories de la raison, à sa logique, à sa rigueur, à son exigence de définition et de délimitation précises des éléments de toute réalité. Le lointain Orient semble considérer que le réel échappe aux capacités, aux compétences de la raison. Pour saisir quelque chose de ce réel, il convient non de raisonner mais de méditer, de pratiquer des exercices spirituels qui nous libèrent précisément des limites et des illusions de la raison.Cette exigence de passer par des exercices spirituels afin de pénétrer le mystère des choses est une démarche qui est en fin de compte profondément religieuse. En ce sens, si nous faisons le bilan de toutes nos analyses et remarques, nous pouvons conclure que le bouddhisme est bien une religion. D'ailleurs des millions d'êtres humains ne s'y trompent pas puisqu'ils pratiquent des rites, qu'ils invoquent Bouddha (qui, rappelons-le n'est pas un dieu mais un homme "éveillé"), qu'ils espèrent une forme de salut en accédant à une condition absolue désignée par le terme de "nirvâna", absolu dont on ne peut rien dire.
Tags : abolu, bouddhisme, religion, nirvana, etres
-
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment
Ajouter un commentaire